Bola Ahmed Adekunle Tinubu, président élu du Nigeria qui prêtera serment en mai prochain, est originaire d’une région réputée pour la paix interreligieuse qui y règne. Il est marié à une chrétienne pratiquante. Les chrétiens espèrent qu’il apportera une amélioration après le président Buhari, accusé de tolérer l’islam radical et la violence des Peuls.
Les catholiques nigérians espèrent que l’élection d’un musulman modéré à la présidence permettra de renforcer leur sécurité.
Lors d’une conférence en ligne organisée par Aide à l’Église en Détresse (AED), Mgr Matthew Man-oso Ndagoso, archevêque de Kaduna, a souligné que les chrétiens de tout le Nigeria, en particulier ceux qui vivent au nord du pays, rêvent de jours meilleurs à la suite des élections présidentielles, législatives et locales.
« Nous espérons que ces nouveaux dirigeants traiteront tout le monde de manière juste et équitable, de sorte que chaque citoyen, indépendamment de son état, pourra être traité comme n’importe quel autre. Nous ne demandons rien de spécial, seulement d’être traités avec équité, impartialité et justice. Ce n’est pas le cas actuellement. Nous espérons voir sortir de ces élections des dirigeants qui auront à cœur le bien commun de tous. C’est le minimum que nous attendons. », a-t-il déclaré aux participants.
Le Nigeria a été secoué par la violence et la criminalité au cours des dernières décennies. La religion est souvent le moteur ou du moins un facteur important dans une situation marquée par des tensions intercommunautaires et interethniques, des insurrections islamistes, des luttes pour la terre entre les éleveurs peuls musulmans et les paysans sédentaires majoritairement chrétiens. Sans compter la vague d’enlèvements contre rançon. L’actuel Président Buhari, un Peul musulman, a été accusé par des représentants de l’Église de complaisance à l’égard de ces problèmes.
Le premier tour de l’élection présidentielle, qui s’est soldé par la victoire de Bola Ahmed Adekunle Tinubu, a été contesté en justice. Le 11 mars, les Nigérians ont de nouveau voté, cette fois-ci pour élire les dirigeants des assemblées législatives fédérales et des États. Bien que le parti au pouvoir, le Congrès des progressistes, ait rompu avec la tradition en choisissant un ticket présidentiel composé de deux musulmans au lieu d’un chrétien et d’un musulman, l’archevêque s’est montré optimiste à propos du président élu Tinubu.
« Il est originaire de la région de Yorubaland, qui compte une importante population musulmane. Cependant, chez les Yorubas, il est courant de trouver dans la même famille des catholiques, des protestants et des musulmans, qui s’entendent bien les uns avec les autres. De plus, la femme de Tinubu est une chrétienne pratiquante, donc nous avons bon espoir. »
« Il a été déclaré vainqueur, mais les résultats ont été contestés en justice. Toutefois, s’il finit par gagner devant les tribunaux et prête serment, je pense qu’il se comportera différemment, compte tenu de la région du pays d’où il vient et de son parcours. Nous espérons qu’il sera en mesure d’apporter une nouvelle influence en politique, de sorte que nous en profitions tous », a déclaré Mgr Ndagoso.
Dialogue interreligieux pour la paix
Les chefs de l’Église nigériane sont conscients du fait que, pour que le pays parvienne à la paix, ils doivent construire des ponts avec leurs compatriotes musulmans, en particulier dans les régions du pays où les deux communautés coexistent.
Le père Mark Nzukwein, récemment nommé évêque de Wukari, a travaillé dans de grands séminaires pendant deux décennies. Tout récemment, il a travaillé dans un grand séminaire situé au milieu d’une importante communauté musulmane (Saint-Augustin, à Laranto). Dans son discours, il a expliqué que le dialogue était la clé de son ministère dans ce grand séminaire.
« Là-bas, nous favorisons le dialogue interreligieux avec la communauté musulmane locale grâce à un contact constant avec les chefs religieux, les femmes et les groupes de jeunes. Grâce à ce dialogue permanent, nous sommes parvenus à une compréhension mutuelle et nous avons établi un climat de confiance entre nous », a-t-il expliqué.
« La collaboration constante entre les communautés situées autour du grand séminaire leur donne le sentiment d’être des frères et sœurs », a poursuivi le nouvel évêque, ajoutant que « c’est surtout à travers la charité que nous abordons la communauté musulmane, en lui montrant le visage du christianisme, qui est le visage de l’amour et de la compassion. Quand les musulmans viennent nous demander de l’aide, nous essayons de pourvoir à leurs besoins, en particulier ceux qui veulent acquérir des compétences pour s’aider entre eux. Nous faisons ainsi la promotion de l’éducation parmi eux, afin qu’ils soient moins enclins à la radicalisation. L’éducation est l’alternative à la violence. La violence ne les a jamais aidés. »
Mgr Matthew Ndagoso partage cet avis et fait part de sa propre expérience. « À chaque visite pastorale, en particulier dans les zones rurales, je rends visite à l’imam ou à d’autres pasteurs, et nos prêtres font de même. Il se passe beaucoup de choses au niveau des communautés, même si on n’en parle peu. Par exemple, les musulmans et les chrétiens ordinaires se rendent dans les mêmes marchés et leurs enfants vont à l’école ensemble. Ils vivent ensemble. C’est le dialogue de la vie. »
« Avec l’AED, nous savons que nous ne sommes pas seuls. »
Lors de la même conférence en ligne, Regina Lynch, directrice des projets de l’AED, a expliqué que l’œuvre de charité pontificale avait pour objectif d’aider l’Église locale dans son travail pastoral et d’urgence. « Il y a un réel danger que nous devenions indifférents aux conflits de longue date. L’Église a une voix morale forte, mais elle ne peut porter seule ce fardeau. L’AED soutient de nombreux projets pastoraux, tels que la formation des séminaristes, la formation catéchétique et celle des religieux, mais aussi des projets qui concernent l’aide d’urgence pour les personnes déplacées et l’amélioration des dispositifs de sécurité dans les paroisses », explique-t-elle. Madame Lynch a également souligné un projet en cours à Nairobi, au Kenya, pour la guérison des traumatismes, qui comprend une formation spécifique pour les religieuses et les prêtres et vise à aider les victimes du terrorisme et de la violence.
Mgr Matthew Ndagoso (photo) ne tarit pas d’éloges à propos des efforts de l’AED.
« L’AED a été là pour nous. Lorsque nos églises sont brûlées et que nos couvents sont détruits, nous nous demandons, en tant que pasteurs, comment reconstruire et aider les personnes déplacées. Avec l’AED, nous savons que nous ne sommes pas seuls, que l’AED prie avec nous et nous soutient. L’AED est toujours là. Savoir qu’il y a des gens dans le monde qui partagent notre souffrance nous donne vraiment la force, le courage et l’énergie pour endurer ces épreuves. Nous ne remercierons jamais assez l’AED. »