Les jeunes chrétiens de Terre Sainte sont encore sous le choc des attentats du 7 octobre – seconde partie
Les Israéliens qui ne se sentent pas à leur place
Beaucoup des problèmes auxquels sont confrontés les chrétiens de Cisjordanie et de Jérusalem proviennent du fait qu’ils n’ont pas droit à la citoyenneté israélienne. Ce n’est pas le cas des chrétiens arabophones du nord du pays, qui sont des citoyens israéliens.
Pourtant, ils sont eux aussi confrontés à des difficultés. « Israël est une société très laïque et individualiste, qui met l’accent sur les biens matériels et le succès », explique Mgr Rafic Nahra, vicaire patriarcal latin pour Israël (photo), qui réside à Nazareth, en Galilée.
Avec le soutien de l’AED, l’Église s’est efforcée de créer un centre pour les jeunes, de les accompagner et de leur transmettre des valeurs qui manquent à la société. Le père Ramez Twal, qui dirige la pastorale des jeunes à Haïfa, explique qu’au début, les gens étaient réticents à assister aux événements, mais qu’au fil du temps, l’Église les a conquis. « De 2022 à 2024, nous avons attiré plus de 1000 participants à nos événements, ce qui est très bien. Grâce à l’AED, nous avons un cours de leadership, de communication et de résolution de conflits, le premier en Galilée. »
Le père Jonny Abu Khalil, qui a été envoyé à Haïfa pour mettre en place le centre pastoral, explique qu’il est également prévu de construire un restaurant et une maison d’hôtes.
« Certains jeunes ne viennent pas aux conférences et aux cours parce qu’ils ont l’impression de ne pas avoir l’éducation, ils se sentent ignorants en termes de foi. Mais si nous avons le restaurant, ils viendront, et si le prêtre est là, ils parleront et poseront des questions. Avoir la maison d’hôtes nous permettra également de créer des emplois, pour ceux qui ont perdu leur emploi dans les hôtels israéliens après le 7 octobre.
Après le 7 octobre, de nombreux Arabes israéliens qui se sentaient parfaitement intégrés dans la société ont soudain été regardés avec suspicion. « La guerre a accentué la séparation et la discrimination. Les Palestiniens de Galilée se sentaient autrefois comme des Israéliens, mais maintenant ils se sentent comme des citoyens de seconde zone. Ils ont besoin d’un endroit pour renforcer leur identité. Leur identité chrétienne est faible et leur identité nationale est confuse, ils ne peuvent pas dire qu’ils sont Palestiniens ni dire qu’ils sont Israéliens après ce qui s’est passé », dit le père Jonny.
La crise d’identité est un problème grave, explique le père Twal. « Ils ne sont pas considérés comme des Israéliens par les Juifs, mais ils ne sont pas non plus considérés comme pleinement des Palestiniens par les Arabes de Cisjordanie. Ils mélangent l’hébreu et l’arabe dans la même phrase et les gens de Cisjordanie ne semblent pas reconnaître qu’ils ont des identités et des défis différents. »
Ceux qui se sentent à leur place, mais qui ne sont pas Israéliens
Si pour certains, le problème est de ne pas se sentir partie prenante du pays auquel on appartient, pour d’autres, le problème est de ne pas appartenir au pays dont on se sent partie prenante.
La loi israélienne est très restrictive en ce qui concerne l’octroi de la citoyenneté aux étrangers non juifs, y compris ceux qui sont nés dans le pays, comme les enfants d’immigrants et de demandeurs d’asile, y compris de nombreux chrétiens. « Culturellement, ils sont 100 % israéliens. Ils parlent hébreu, ils s’habillent à la manière israélienne, ils écoutent de la musique israélienne, ils soutiennent les clubs sportifs israéliens », explique le père Piotr Zelazko, vicaire patriarcal du vicariat de Saint-Jacques, qui s’occupe de la petite communauté catholique de langue hébraïque en Israël.
L’Aide à l’Église en Détresse (AED) a rendu visite au père Piotr dans le cadre d’un camp d’été pour les enfants de migrants et de demandeurs d’asile, soutenu par la fondation. Ces camps sont essentiels pour garder les jeunes fermes dans leur foi, explique sœur Gabriele Penka, l’administratrice du vicariat. « Ils vivent dans la société israélo-juive, il est donc très difficile pour les jeunes de s’en tenir à leur identité chrétienne, de garder la foi et de rester membres de la communauté catholique. »
« Pour la première fois, nous avons des jeunes de 18 ans, qui n’ont pas de statut légal. Il est arrivé dans le passé qu’Israël leur accorde la résidence permanente afin qu’ils puissent ensuite faire leur service militaire, comme les autres Israéliens, mais pour le moment, ce n’est pas possible ; alors nous essayons de voir quelles options ces jeunes ont pour leur avenir. Il y a toujours un risque qu’ils soient arrêtés et expulsés », explique sœur Gabriele.
Le père Piotr décrit comment les enfants guettent toujours les raids des autorités de l’immigration. « Ceux-ci se produisent généralement pendant les vacances, parce que lorsqu’ils sont à l’école, leurs amis et leurs enseignants israéliens les défendent. Mais en été, vous pouvez vous débarrasser des enfants, donc ils disparaissent et il n’y a personne pour protester », dit-il.
Dans le passé, le gouvernement israélien a permis aux enfants d’immigrants d’entrer dans l’armée en échange de la citoyenneté. « Lorsque la guerre a commencé, nous pensions que le gouvernement conclurait qu’il avait besoin d’eux, mais non. Il est plus important pour certains politiciens de ‘ garder Israël pur ’. Ils utilisent vraiment ce langage, c’est douloureux à entendre », dit le père Piotr.
Après les attentats du 7 octobre et le début de la guerre, l’Aide à l’Église en Détresse (AED) a renforcé son soutien aux chrétiens de Terre sainte. Sachant que sans les jeunes, il n’y aura pas d’avenir pour la communauté chrétienne sur la terre de Jésus, l’oeuvre pontificale a donné la priorité au soutien des initiatives qui contribuent à donner de l’espoir à cette population, par l’éducation et la création d’emplois, ou simplement en les aidant à renforcer leur identité par la formation à la foi.
Lire la première partie : https://acn-canada.org/fr/terre-sainte-jeunes-sous-le-choc-partie-2/