Inde : les élections et leurs conséquences pour les chrétiens

Le 4 juin dernier, le Bharatiya Janata Party (BJP), ou Parti du peuple indien, a remporté pour la 3e fois les élections, maintenant Narendra Modi à la tête du pays. Quelles en sont les conséquences pour la communauté chrétienne ? Le père Pradeep, jésuite dans l’État du Jharkhand, partage son opinion avec l’œuvre de charité pontificale Aide à l’Église en Détresse (AED). (Photo de couverture : une publicité électorale en faveur de Narendra Modi, à gauche sur l’affiche.)

2024 – Quelques jours avant les élections, une marche en soutien au premier ministre Narendra Modi et son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP).

Le premier ministre Modi vient de remporter les élections. Quelle a été la réaction de la minorité chrétienne ?

En effet, il a gagné, mais sans obtenir le score à la hauteur de ce qu’il espérait. Et pour nous, c’est un signe fort de la victoire du peuple qui a osé exprimer son opposition au BJP. Modi nous a toujours dit et répété qu’il était invincible et, pour la première fois, nous avons réalisé qu’il n’était pas si invincible. Certes, au final, il a remporté les élections, mais sans éclat. Et ce, malgré la propagande partout à la télévision, sur les réseaux sociaux, dans l’administration, etc., qui nous incitait à voter pour Modi !

Quelles sont les conséquences de ces élections pour les minorités dans votre État ?

Notre crainte est que le parti, qui a obtenu moins de votes dans notre État qu’il y a 5 ans, prenne sa revanche et en profite pour harceler davantage les minorités, que ce soit les musulmans ou les chrétiens. Mais en même temps, comme le parti est plus faible, il a aussi besoin de faire des alliances et ne peut pas se mettre à dos l’opposition donc il devra faire preuve d’ouverture. Par conséquent, il faut rester optimiste !

Quelles sont les sortes de discriminations auxquelles vous êtes confrontées ?

Il s’agit d’une oppression systématique, discrète, mais puissante et permanente. Par exemple, les procédures administratives d’embauche d’enseignants pour nos écoles sont constamment bloquées, il est impossible d’obtenir des documents d’identité, nos affaires font l’objet d’enquêtes constantes. Nous avons beau avoir des comptes parfaits, ils trouveront toujours moyen de faire un audit et de nous reprocher quelque chose. Il y a un mois, nous avons appris que nous ne pouvions plus recevoir d’aide financière de l’étranger en tant qu’ONG chrétienne ! Pourquoi ? Car ils savent que nous, les minorités, ne votons pas pour le BJP. Autre exemple, il est devenu quasiment impossible aujourd’hui pour un prêtre étranger, ou tout simplement un chrétien d’obtenir un visa pour venir en Inde. Ou s’il y parvient, il sera sur place harcelé en permanence par des interrogatoires et autres…

Célébration d’une messe au Jharkhand

Existe-t-il également des lois anti-conversion ?

Oui, il y en a. Ces lois ont été mises en place pour protéger les individus des conversions forcées, mais en réalité, elles sont là pour harceler les missionnaires et les chrétiens des tribus. Ces lois ont été adoptées en 2017 dans notre État et suscitent beaucoup d’actes antichrétiens qui peuvent aller très loin. Nous avons été profondément choqués par la mort du père Stan Swamy, un jésuite accusé de terrorisme et mis en prison… Il a fini par y mourir en 2021.

Il existe aussi un risque pour les aides qui concernent les tribus et certaines castes parmi les plus pauvres. Le BJP a tenté de retirer les noms des chrétiens apparaissant sur les listes de bénéficiaires, ce qui les aurait empêchés de recevoir les subventions mises en place par les gouvernements précédents. Cependant, jusqu’à présent, il n’a pas été capable de faire avancer cette mesure.

Comment voyez-vous l’avenir des chrétiens en Inde dans les prochaines années ?

L’oppression est, comme je vous le disais, constante et systématique, mais malgré tout, je garde espoir quand je vois le courage que le peuple a eu de voter contre le BJP ! Nous prions pour que, malgré ce nouveau mandat de 5 ans, nos difficultés et le harcèlement que nous subissons au quotidien diminuent.